Les mécanismes et les formes cliniques des traumatismes dento-maxillaires
en pratique sportive sont retrouvés fréquemment dans la littérature.
Le rugby se dégage des diverses études comme le sport le plus
à risque. Il apparaît toutefois que les données statistiques
concernant ce sujet sont rares et souvent le fruit de l'analyse des dossiers
des assurances ou des hôpitaux.
Le service d'épidémiologie prévention de la faculté de chirurgie dentaire de Montrouge a initié un programme d'études dont le but est la connaissance de ces traumatismes dento-maxillaires en terme de statistiques et d'occurrences, afin de mettre en uvre une politique de prévention conjointement avec les pouvoirs publics et les organismes sociaux de santé.
Ce travail s'inscrit dans la lignée de celui réalisé par TARDIVON et TAVERNIER.
Nous nous attacherons tout d'abord à quelques rappels succincts concernant les traumatismes dento-maxillaires avant de dégager les particularités s'attachant à la pratique du rugby.
Dans un second temps, nous développerons l'enquête
réalisée sur les rugbymen de Seine-Saint-Denis avant d'évoquer
les moyens de prévention disponibles.
L'objectif de ce chapitre introductif sur les formes cliniques des traumatismes dento-maxillaires est de redéfinir de façon succincte les classifications de ces traumatismes.
Notre but est de donner aux lecteurs les éléments nécessaires pour aborder l'étude quantitative et qualitative, sous la forme d'une approche statistique, de ces traumatismes.
L'objectif majeur et final est de permettre une meilleure compréhension des résultats de l'enquête épidémiologique menée dans les clubs de rugby.
Les rappels seront abordès en deux points :
- les formes cliniques "classiques" associées
à chaque type de traumatismes,
- les données statistiques actuelles sur chacun des traumatismes.
Il nous apparaît nécessaire de redéfinir son étendue anatomique.
Elle comprend :
- l'os maxillaire,
- l'os mandibulaire,
- les organes dentaires,
- les tissus de soutien dentaires (os alvéolaire, périoste.),
- les tissus de recouvrement (muqueuses gingivale, jugale, labiale,
),
- les muscles, vaisseaux, artères et nerfs associés aux tissus,
os et organes précédemment cités.
Dans l'étude des traumatismes dento-maxillaires,
on associe à cette sphère les tissus du revêtement cutané,
souvent les premiers exposés lors d'un choc.
Dans un souci de clarté, l'OMS, en 1978, a mis en place une classification des traumatismes dento-alvéolaires, elle servira de trame à ce chapitre.
Malheureusement, cette classification est incomplète pour décrire l'ensemble des traumatismes dento-maxillaires, et notamment les fractures maxillaires et mandibulaires que l'on peut rencontrer dans la pratique sportive.
De ce fait, d'autres types de classifications, détaillées plus loin, seront retenues, pour compléter celle de l'OMS, au cours de notre étude épidémiologique.
Elles se manifestent comme de très fines solutions de continuité, parallèles aux prismes de l'émail, qui ne franchissent pas la jonction amélo-dentinaire. Il faut les rechercher en éclairage indirect, avec le faisceau lumineux parallèle à l'axe de la dent, ou mieux, par trans-illumination (planche 1).
Très souvent les fêlures convergent vers le point d'impact.
Parfois limitées à l'émail, ce sont les fractures des
angles, des bords incisifs ou des pointes cuspidiennes (planche 1).
Souvent, la fracture atteint aussi la dentine coronaire, sans toutefois ouvrir la chambre pulpaire : ces fractures intéressent particulièrement les incisives maxillaires mais aussi les dents des secteurs postérieurs.
Ce type de fracture est amélo-dentino-pulpaire.
La corne pulpaire est donc mise à nu et est généralement
hémoragique. La dent concernée est très souvent hyper-algique
(planche 1).
Ces fractures coexistent souvent avec des traumatismes de l'os alvéolaire.
Elles sont habituellement, pour les dents antérieures, le fait d'un
traumatisme direct et, pour les dents postérieures, d'un traumatisme
indirect (planche 2).
Elles surviennent habituellement à la suite de traumatismes directs. Elles sont moins fréquentes sur le tiers radiculaire cervical que sur les tiers apicaux et moyens (planche 3).
La dent est mobile et la palpation est très douloureuse. Le trait de fracture est généralement horizontal et peut être mis en évidence à l'aide d'une radiographie rétro-alvéolaire défléchie de 20 degrés.
C'est vraisemblablement la plus fréquente des lésions traumatiques alvéolo-dentaires.
Le traumatisme, peu intense, comprime et écrase un certain nombre de fibres du ligament alvéolo-dentaire, sans mobiliser nettement la dent, mais en entraînant une sensibilité particulière à la palpation et aux percussions axiales et latérales.
Il s'agit d'une atteinte plus marquée des fibres ligamentaires du parodonte, qui mobilise anormalement la dent sans que le déplacement soit visible cliniquement ou radiographiquement.
L'espace desmodontal est souvent élargi. La
dent mobile est douloureuse à la palpation et à la percussion
et il peut exister un liséré hémorragique le long de
la sertissure gingivale. En phase aiguë, les tests de vitalité
pulpaire sont négatifs.
C'est une dislocation alvéolo-dentaire à direction axiale. La dent subit une ingression : elle est impactée dans la profondeur de l'os alvéolaire. Les fibres desmodontales sont étirées, déchirées, et l'alvéole subit un certain degré de contusion. La dent disparaît plus ou moins dans la gencive tuméfiée et sanguinolente. Le risque de nécrose dentaire est élevé.
C'est une dislocation alvéolo-dentaire où la dent subit une égression, une avulsion partielle. La dent est dèsinsérée, mobile et plus ou moins sortie de son alvéole, avec le plus souvent une inclinaison palatine. Le pédicule vasculaire est arraché et la gencive déchirée et sanguinolente.
La luxation n'est que rarement axiale pure et des lésions des tissus de recouvrement et de soutien coexistent souvent.
C'est une dislocation dento-alvéolaire dans une direction autre qu'axiale. Elle est accompagnée d'un enfoncement ou d'une fracture du mur ou du septum alvéolaire : le cas typique est la luxation palatine d'une incisive supérieure, avec fracture du versant vestibulaire de l'alvéole et déchirure gingivale. La dent, souvent impactée, perturbe l'occlusion.
La dent dèshabite son logement alvéolaire.
Des plaies labiales et des fractures alvéolaires sont souvent associées.
Ces traumatismes ne sont pas isolés et impliquent souvent les dents et /ou les maxillaires. La classification de l'OMS décrit les traumatismes " alvéolaires " mais ne décrit pas les traumatismes " basaux " du maxillaire et de la mandibule. Les classifications concernant les fractures mandibulaires sont multiples et diffèrent selon les points de vue abordès par les différents auteurs (planche 5).
Soulignons l'importance de la palpation digitale pour déceler toute fracture alvéolaire et celle de l' examen occlusal fin. L'analyse radiologique est souvent difficile.
L'os alvéolaire est comprimé ou écrasé. Une luxation dentaire partielle par ingression ou déplacement latéral est associée.
Le mur alvéolaire fracturé peut être vestibulaire ou palatin. Ces fractures affectent souvent plusieurs dents, dans la région incisive supérieure.
Des dents luxées ou expulsées sont souvent associées à cette forme de traumatismes. La palpation, douloureuse, mobilise le fragment du mur alvéolaire fracturé.
Ce sont des fractures du sujet âgé ou qui surviennent lors de chocs très violent. Une disjonction totale du fragment touché (emportant un ou plusieurs organes dentaires) peut survenir, mais cela reste rare. Une atteinte dentaire associée peut exister ou non.
La fracture peut toucher les structures basales avec une extension dento-alvéolaire ou alvéolaire pure.
Ces fractures relèvent de la chirurgie maxillo-faciale. Notre propos n'est pas de rentrer dans ce vaste domaine. C'est un registre dans lequel le chirurgien-dentiste n'intervient que rarement en première intention. Nous ne citons, ici, ces traumatismes qu'à titre d'information.
Le chirurgien lillois René LEFORT montra en 1901 qu'il y avait des lignes préférentielles de fractures au niveau des étages moyens et supérieurs de la face. La classification des traumatismes qu'il mit en place suite à ses expérimentations est facile d'utilisation. Le type d'impact, sa direction et son importance rendent tous les traits de fracture possibles.
Ce sont de véritables fractures de la base du massif facial moyen. Le trajet de fracture passe bilatéralement, au-dessus des apex dentaires et des planchers sinuso-nasaux, plus ou moins horizontalement par les faces antéro-externes et postéro-externes des maxillaires supérieurs.
C'est la fracture dite pyramidale qui détache la partie moyenne de la face lors d'un traumatisme antéro-postérieur violent. Elle inclut ou non les os propres du nez. Le déplacement du massif osseux entraîne une mal-occlusion dentaire : il y a béance antérieure par contacts molaires prématurés et décalages cuspidiens.
C'est une véritable disjonction cranio-faciale, avec déplacement dorso-caudal du massif, survenant lors d'un traumatisme violent d'avant en arrière et de haut en bas. L'occlusion dentaire est perturbée : il y a béance antérieure et contacts molaires prématurés ; l'articulé dentaire antérieur peut être inversé.
Nous insisterons sur la fréquence des fractures de la mandibule au rugby par rapport aux autres sports de contacts, ainsi que le décrit et le met en évidence DAVID J. (12) dans sa thèse de sciences odontologiques.
Elles sont le résultat d'un choc et ont souvent
une expression clinique pauvre : douleurs spontanées, algies au mouvement
et à la pression parfois tuméfaction de la région articulaire.
Les luxations antérieures sont les plus fréquentes. Elles peuvent être unilatérales ou bilatérales.
Ces fractures sont unilatérales ou bilatérales. Elles entraînent toujours, à des degrés divers, des lésions musculaires et des lésions de l'appareil disco-capsulo-ligamentaire.
En cas de fracture unilatérale on trouve une béance occlusale côté sain. Elle est antérieure lors d'une fracture bilatérale.
On aura des contacts occlusaux prématurés dans la région molaire homo-latérale, par une béance controlatérale variable, par une limitation douloureuse de l'ouverture buccale et une tuméfaction jugale.
Le trait de fracture est en général oblique, en bas et en arrière, et passe éventuellement par l'alvéole d'une dent de sagesse partiellement ou complètement incluse. Il y a généralement mal-occlusion dentaire, par latéro-déviation mandibulaire côté atteint, et trismus.
Une déformation en "marche d'escalier" est visible au niveau de l'arcade dentaire.
Les fractures symphysaires sont souvent associées
à des fractures condyliennes. Il existe une " marche d'escalier
" au niveau occlusal.
Ce sont des fractures essentiellement antérieures, qui mobilisent une dent ou un groupe de dents.
Les muqueuses sont les premiers tissus exposés lors d'un choc. L'OMS décrit trois types de lésions classées selon la gravité de l'atteinte tissulaire.
Elles sont produites par un choc direct et se manifestent par un hématome sous-muqueux.
Elles accompagnent les luxations dentaires et les fractures alvéolaires. La muqueuse ou le tissu gingival est déchiré, et il existe des entailles plus ou moins profondes du fait de l'éclatement tissulaire. Un dème inflammatoire parfois important se forme rapidement.
Elles sont produites par un frottement ou un raclage de la muqueuse sur une surface rugueuse. Les muqueuses sont déchirées superficiellement, souvent souillées et saignent en nappe.
Là encore , il faut noter que les tissus mous de la face sont très exposés dans les sports de contact , et a fortiori dans la pratique du rugby.
Nous ne décrirons pas dans ce mémoire ces lésions qui relèvent surtout de la responsabilité du médecin spécialiste maxillo-facial. Les lésions qui nous intéressent directement sont celles de la sphère oro-buccale : au niveau des lèvres (lésions et sections plus ou moins étendues) et des joues, elles peuvent avoir un retentissement buccal ; citons les éventuelles lésions des muscles masticateurs " externes ", des canaux de Sténon excréteurs des glandes parotides, des axes vasculo-nerveux et soulignons enfin les fréquentes lésions de la langue sous de multiples formes.