2 - FACTEURS FAVORISANT LA TRAUMATOLOGIE MAXILLO-DENTO-FACIALE


2.1 - Facteurs anatomo-pathologiques

2.1.1 - Architecture de la face

La face présente, à l'encontre de chocs éventuels, des structures anatomiques jouant le rôle de pare-chocs naturels. SICHER (cité par HAGER (25)) les baptise "piliers de la face". Ils sont verticaux et au nombre de trois :

- pilier canin,
- pilier malaire,
- pilier ptérygoïdien.

Plus tard, OMBREDANE (cité par HAGER (25)) découvre l'existence de "poutres de résistance" horizontales solidarisant les piliers de SICHER :

- poutre inférieure,
- poutre moyenne,
- poutre supérieure.

Cette architecture osseuse est susceptible d'absorber les forces verticales et horizontales, et de s'opposer à toutes les sollicitations mécaniques en créant un système d'amortissement et de stabilisation.

A ces piliers et poutres s'ajoutent de véritables "pares-chocs faciaux" au nombre de six de haut en bas :

- un frontal,
- un nasal,
- deux malaires,
- un pré-maxillaire,
- un symphysaire.

Cette architecture de la face permet d'établir la topographie des "zones de moindre résistance" ou de faiblesse, étudiées par LEFORT (cité par HAGER (25)). On trouve à différents endroits des épaisseurs d'os inférieures à un millimètre. Les lignes de LEFORT indiquent les zones préférentielles des traits de fractures en cas d'accident de l'étage moyen de la face. La structure faciale est donc très contrastée entre des zones consolidées et des zones d'extrême faiblesse.


2.1.2 - Architecture de la mandibule

On peut décrire des caractéristiques similaires à celles de la face.

Poutres de résistance :

- poutre basilaire,
- poutre temporale,
- poutre goniale,
- poutre sigmoïdienne,
- travée alvéolaire (ensemble os-dent très solide ).

Zones d'extrême faiblesse :

- région du col du condyle (36% des fractures),
- région de l'angle goniaque (20% des fractures),
- région du trou mentonnier (21% des fractures),
- région de l'alvéole canine (3% des fractures),
- région symphysaire (14% des fractures).


2.2 - Facteurs histo-pathologiques

2.2.1 - Consistance et architecture osseuse

2.2.1.1 - Cas d'un os compact

La mandibule en contient une proportion très forte. Cet os très dur et résistant à la compression répond moins bien à la flexion, notamment dans les zones de courbures. Cette caractéristique est très importante sur les conséquences d'un coup.

Il nous faut insister sur les variations d'épaisseur de cet os constituant les tables alvéolaires : épais dans les zones prémolo-molaires, il devient très fin dans la zone incisivo-canine, pourtant plus exposée aux chocs.

2.2.1.2 - Cas d'un os spongieux

Il répond différemment aux sollicitations (par rapport à un os compact), en résistant mieux à la flexion qu'à la compression. Insistons sur le rôle fragilisant des kystes dentaires, des dents incluses ou en évolution, des mesiodens.

2.2.2 - Dents et parodontes

Notons avant tout le rôle évident de l'anatomie radiculaire, et de la surface radiculaire liée à l'os, dans la résistance aux coups.

L'état de santé bucco-dentaire du sportif joue un rôle primordial dans la fréquence et le risque d'apparition des lésions traumatiques.

C'est ainsi qu'une lésion carieuse, comme une obturation importante en volume, ou localisée de façon particulière, fragilise l'organe dentaire.

De même, une dent mortifiée résiste moins bien aux chocs qu'une dent vitale. En perdant de ses caractéristiques élastiques, elle devient plus cassante.

Fêlures et fissures de l'émail prédisposent aux fractures coronaires.

Les dents couronnées sans reconstitution corono-radiculaire stable et solide sont également propices aux fractures.

Certaines dysplasies dentaires augmentent les effets traumatiques en fragilisant la constitution des dents. De même, au niveaux osseux, lors d'une minéralisation défectueuse, et de tous les tissus de soutien lors d'une parodontopathie, on observe un affaiblissement notoire.

Une occlusion " normalisée " assurera une part de protection naturelle sur des chocs indirects (chocs inter-arcades). Ainsi, chez les édentés partiels, ou dans une microdontie, la répartition des forces est modifiée, et les dents restantes isolées travaillent seules.

Certaines dysmorphoses dento-faciales, que nous détaillerons plus loin, augmentent les risques de traumatismes lors de la pratique d'un sport de contact comme le rugby.


2.3 - Facteurs divers

2.3.1 Age du sujet

C'est un facteur important à considérer. Plus encore d'ailleurs, lorsque l'on sait que les jeunes constituent la majorité des pratiquants.

LAMENDIN (36) (1975) met ainsi en évidence plusieurs points :

- des lésions peuvent atteindre des dents temporaires,

- des lésions peuvent perturber le développement normal de dents en cours d'évolution, de façon médiate par suite d'une fêlure ou d'une contusion ou de façon immédiate en cas de fracture pénétrante,

- les types d'accidents varient en fonction de l'âge du sportif.

2.3.2 - Le sexe

On voit les filles s'engager physiquement de plus en plus dans leurs activités et rejoindre en agressivité et en prises de risques leurs homologues masculins. C'est par exemple le cas en rugby féminin.

D'autre part tous les sports s'ouvrent lentement à elles, progressant vers une véritable mixité, en particulier dans les sports à risques : boxe, V.T.T., roller-skate, etc.

2.3.3 - Le terrain psychologique

Des sportifs, enfants ou adultes, turbulents et facilement excitables se prédisposent aux traumatismes par manque de contrôle des mouvements, et leur comportement face à leurs partenaires de jeu. Une étude de l'incidence de la psychologie du jeune sportif sur la probabilité de traumatisme serait intéressante.

2.3.4 - Le problème respiratoire

Ce problème devient déterminant lors d'une activité sportive intense (comme un match de rugby) : l'oxygénation maximale doit alors être facile et sans gêne, et comme nous l'avons dit les risques traumatiques augmentent par absence d'articulé inter-arcade au moment du choc…

2.3.5 - Le type morphologique du sujet

MANIERE et SHMIERER (45) l'expriment ainsi : un longiligne aux dents longues et légèrement en avant sera plus menacé qu'un carbocalcique au visage carré et aux dents courtes…

2.3.6 - Les antécédents traumatiques

Un sportif blessé dans le passé et qui reprend son activité sportive, affrontera de nouveau les mêmes risques, mais avec des structures dento-maxillaires fragilisées.

Mais l'attitude du convalescent détermine souvent le risque auquel il s'expose. Le joueur " qui reprend " craint plus le coup ou la blessure et réagit de façon inadaptée à la situation de jeu. Il lui faudrait au plus vite retrouver une attitude normale.

En rugby, le manque d'engagement physique empêche la réalisation optimale de tout geste technique et met en danger le joueur lors des phases de contact. Il s'agit d'évacuer rapidement toute crainte injustifiée…

2.3.7 - L'environnement du sportif

Les qualités de sécurité de l'aire de jeu et des infrastructures sont ici en cause : nature du revêtement de sol, protection des poteaux de but, espace libre autour des terrains. Tout doit être pensé pour éviter l'accident.

Il est de la responsabilité de l'encadrement et des éducateurs d'exiger le maximum pour la sécurité du joueur. Celle des architectes est de concevoir des aires de jeu dans ce même esprit.

2.3.8 - L'équipement du sportif

Il doit être conçu pour minimiser les risques traumatiques. L'évolution des techniques et des matériaux apportent beaucoup en ce sens.

En général, les règles du rugby protègent assez efficacement les joueurs : efforts sur les crampons (crampons coniques interdits, taille réglementée), interdiction du port de tout bijou (bague, pendentif, etc.) et lunettes, interdiction de jouer avec des bandages ou emplâtres rigides, etc..

Malheureusement, le port systématique d'une protection dento-maxillaire ne semble pas être de règle chez les rugbymen. Ajoutons que la tendance actuelle va dans le sens de plus de protections diverses : cela ne nuit pas au jeu, mais permet au contraire une plus grande expression de chacun.

2.3.9 - Les problèmes liés aux ports d'appareillages fixes

2.3.9.1- Influence sur l'hygiène dentaire

La pose d'un appareillage fixe multibagues favorise la rétention alimentaire et rend plus difficile l'hygiène dentaire. La raison en est le mauvais accès à la face vestibulaire et une diminution de l'activité masticatoire rendant malaisé le brossage et le mécanisme d'auto-nettoyage des surfaces.

Sur le plan traumatologique, les conséquences indirectes d'un manque d'hygiène créent les conditions pour l'apparition d'une pathologie de l'organe dentaire ou du parodonte :

- dépôt de plaque provoquant gingivite ou lésion parodontale,
- risques carieux augmentés,
- mauvaises réponses du ligament aux sollicitations de l'appareillage, mobilisant la dent dans son alvéole, et aboutissant à l'échec du traitement.

2.3.9.2 - Effets sur l'émail

Une bague correctement adaptée et scellée sur une dent n'est pas dangereuse pour ses tissus durs, tant que l'hygiène est régulière et optimale. Elle peut le devenir si on ne l'entoure pas de toutes les précautions nécessaires.

On pourra alors constater par exemple :

- des décalcifications aux endroits d'adaptation imprécise de la bague, voies d'entrée des substances alimentaires et des bactéries,
- des conséquences identiques pour l'émail en cas de descellement non contrôlé,
- la création de zones peu accessibles au nettoyage favorisant les points de fragilisation de la dent et de la gencive.

2.3.9.3 - Effets sur la vitalité pulpaire

Les traitements par appareillages multibagues peuvent masquer l'évolution d'une dent vers la nécrose pulpaire après un choc. Le contrôle et la surveillance de la vitalité pulpaire sont alors indispensables.

2.3.9.4 - La gingivite orthodontique

Les causes en sont multiples. Nous avons déjà abordé les problèmes liés à l'hygiène et à la position des éléments actifs de l'appareillage que sont les bagues.

Citons celui des tassements alimentaires dans le desmodonte favorisés par l'appareillage. On l'observera plus fréquemment au niveau postérieur, là où l'arc se trouve très proche des tissus mous (DOUGHERTY, cité par DECOSSE (14)).

Selon GLICKMAN (cité par DECOSSE (14)), le tassement alimentaire contribue à déclencher des gingivopathies ou aggrave la sévérité des troubles existants. Il peut provoquer rapidement une hypertrophie gingivale avec douleur, puis une récession gingivale et la formation d'un abcès parodontal ; on évoluera alors rapidement vers une lyse du septum alvéolaire.

En cas de choc, les conséquences néfastes augmentent évidemment du fait de la fragilité parodontale. Ainsi, en dehors du rôle classique de protection des muqueuses, nous voyons une obligation du port du protège-dents chez un enfant en traitement, en prévention des chocs directs bien sûr, mais surtout des chocs indirects.

Thèse - Chapitre 2